Le 20 juillet 2022, les gouvernements se réunissent pour négocier le prochain Cadre stratégique pour l’agriculture (CSA) : une entente de financement sur cinq ans, qui orientera les dépenses en agriculture à travers le Canada jusqu’en 2028.

Ceci représente le cadre stratégique le plus important du secteur agricole. Il est impératif que les actions liées aux changements climatiques soient placées au cœur de ce nouveau cadre.

Nous avons un plan pour accroître l'adoption de pratiques respectueuses du climat qui réduisent les émissions de GES, augmentent le stockage du carbone et renforcent la résilience des fermes partout au Canada.

 
 

À la fin de 2021, Fermiers pour la transition climatique (FTC) a rassemblé des agricultrices et agriculteurs, des chercheuses et chercheurs, des économistes et des expert ·e·s en politiques afin de former un groupe de travail ayant pour mandat d’identifier les façons les plus économiques de réduire rapidement les émissions. Leurs recommandations, si elles sont adoptées par le gouvernement canadien, traceront la voie d'un secteur agricole résilient aux changements climatiques qui donne la priorité aux moyens de subsistance des agriculteurs et à la sécurité alimentaire pour tous les Canadiens.


Des pratiques éprouvées pour réduire les GES et renforcer la résilience

Le Partenariat canadien pour l’agriculture et les précédentes versions du CSA se sont concentrés sur l’adoption de pratiques de gestion bénéfiques (PGB) à la pièce, selon une approche peu coordonnée entre les provinces ne bénéficiant que de peu de ressources pour promouvoir leur adoption. Une approche systémique beaucoup plus ambitieuse sera toutefois nécessaire si le secteur agricole entend véritablement contribuer à l’objectif de carboneutralité du Canada d’ici 2050. Il sera également nécessaire d’accorder une plus grande attention pour assurer que les agricultrices et agriculteurs faisant partie de groupes méritant l’équité puissent eux aussi accéder aux programmes et aux mesures de soutien. FTC recommande différentes options politiques (programmes traditionnels de partage des coûts, enchères inversées, versement de primes collectives) pour promouvoir l’adoption de PGB pour le climat.

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Les PGB incluent :

  • Détermination du taux d’application adéquat
  • Gestion précise des fertilisants azotés
  • Utilisation de fertilisants azotés à efficacité améliorée
  • Élimination des applications de fertilisants azotés en automne
  • Gestion du fumier et du lisier selon le système des 4B
  • Mieux créditer les sources biologiques d’azote

Les émissions de GES directement associées à l’utilisation de fertilisants azotés représentent environ 14 % de l’ensemble de celles produites par le secteur agricole canadien, et il s’agit de celles qui augmentent le plus rapidement. Le gouvernement du Canada vise une réduction absolue de 30 % des émissions de GES liées à l’utilisation des fertilisants azotés d’ici 2030. Adopter les quatre PGB recommandées par le présent rapport pour les fertilisants azotés synthétiques mènerait à une réduction absolue des émissions de GES associées aux fertilisants azotés de 3,5 Mt éq. CO2 en 2030, les faisant ainsi baisser de 33 % par rapport aux niveaux actuels. Il demeure possible de réduire davantage ces émissions en gérant mieux les sources d’azote, notamment le fumier et le lisier.

Bien que chacune de ces PGB permette de réduire les émissions de GES, les productrices et producteurs ont avantage à adopter une approche systémique qui valorise une meilleure gestion des sources d’azote à l’échelle de la ferme. Nous recommandons la mise en place d’un programme à frais partagés afin que les productrices et producteurs bénéficient du soutien d’un·e agronome, d’une conseillère certifiée ou d’un conseiller certifié en cultures ou encore d’une agricultrice ou d’un agriculteur apte à leur offrir du mentorat afin de mettre sur pied un plan de gestion de l’azote qui comprend un nombre adéquat de PGB pour leur exploitation. La réduction des émissions de GES et les avantages financiers liés à l’ensemble des PGB recommandées proviennent principalement des possibilités qu’elles offrent de réduire le taux d’application de fertilisants azotés sans compromettre le rendement des cultures. Tout plan de gestion de l’azote devrait conséquemment viser d’abord et avant tout à réduire le taux d’application.

L'objectif de Fermiers pour la transition climatique est d'identifier les pratiques qui peuvent réduire les émissions sans sacrifier le rendement. Cette logique s’applique particulièrement bien à nos recommandations concernant les fertilisants azotés, car il est possible de réduire l'utilisation de fertilisants azotés et les émissions sans diminuer le rendement. Certaines de nos recommandations pourraient entraîner une légère baisse de rendement, mais les économies dues à la baisse des coûts des intrants peuvent bénéficier les agriculteurs et agricultrices.

Bon nombre de nos recommandations visent à accroître la résilience et à aider les agricultrices et agriculteurs à s'adapter au changement climatique. Il est absolument essentiel que nous améliorions la santé de nos sols, augmentions la matière organique dans nos sols et augmentions la biodiversité de nos fermes afin d’être plus résilients face aux événements météorologiques extrêmes qui se produisent déjà - c'est la meilleure façon de protéger nos rendements agricoles à l'avenir. Notre capacité à continuer à nourrir le monde dépend de notre capacité à nous adapter au changement climatique.

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Les PGB incluent :

  • Couvertures synthétiques imperméables flottantes
  • Acidification du lisier

La gestion du fumier et du lisier est un moyen extrêmement rentable de réduire les émissions de GES. Les deux PGB décrites ci-dessous sont tellement efficaces pour réduire les émissions de GES des systèmes de gestion du lisier que nous recommandons la mise en place d’un programme de subventions destiné à rembourser aux productrices et producteurs de lisier les coûts liés à l’adoption de l’une ou l’autre de ces PGB au cours de la période couverte par le prochain CSA. Un tel programme permettrait de réduire les émissions de GES de plus de 2,2 Mt éq. CO2 d’ici 2028.

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Les PGB incluent :

  • Augmentation de la quantité de légumineuses dans les pâturages
  • Pâturage en rotation
  • Période de pâturage étendue

Le tube digestif des ruminants tels que les vaches, les moutons et les chèvres est colonisé par des bactéries qui produisent ce qu’il est convenu d’appeler du méthane entérique. En éructant, les ruminants rejettent ce méthane entérique, faisant d’eux la plus importante source d’émissions de GES de tout le secteur agricole canadien, les bovins en particulier. Augmenter la qualité du régime alimentaire des ruminants contribue directement à réduire les émissions de méthane entérique, en plus d’offrir d’autres avantages chez ces animaux, tels qu’une croissance plus rapide, une meilleure santé et une plus grande réussite de reproduction, qui permettent tous de réduire l’intensité d’émission des produits animaux. L’amélioration des pratiques de pâturage peut accroître la capacité des sols à stocker du carbone, ce qui réduit la concentration de carbone dans l’atmosphère et comporte de nombreux bienfaits pour la santé des sols. Les moyens de réduire les émissions de GES décrits dans cette section présentent un excellent rapport coût/efficacité.

Les PGB décrites dans cette section peuvent être appliquées de manière simultanée, les bénéfices de chacune d’elles étant additifs. Alors que la plupart des PGB liées au méthane entérique permettent individuellement de réduire ces émissions de 5 à 10 %, l’adoption simultanée de plusieurs d’entre elles peut mener à une réduction encore plus importante. Les PGB recommandées engendrent également une amélioration générale de l’état de santé et de la réussite de reproduction des animaux, ce qui peut permettre aux productrices et producteurs de mener leurs opérations avec moins d’animaux de remplacement et de réduire le temps de mise sur le marché de leurs animaux, ce qui a pour effet de réduire l’ensemble des émissions entérique de leur troupeau.

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Les PGB incluent :

  • Cultures de couverture
  • Cultures intercalaires

Les PGB liées aux sols atténuent les changements climatiques en réduisant les besoins en fertilisants azotés synthétiques et en augmentant la capacité des sols à accumuler du carbone. Bien que FTC considère que la réduction des émissions de GES devrait avoir priorité sur le stockage de carbone dans les sols, les pratiques permettant de soutirer du carbone atmosphérique et d’accroître la quantité de matière organique dans les sols sont d’importants moyens de renforcer la résilience des fermes et de les adapter aux changements climatiques, sans compter qu’elles procurent de nombreux avantages connexes aux agricultrices et agriculteurs.

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Les PGB incluent :

  • Conversion de milieux humides évitée
  • Restauration de milieux humides
  • Culture entre bandes boisées
  • Silvopastoralisme
  • Plantation de bandes d’arbres en bordure des milieux aquatiques
  • Conversion de plantations-abris évitée

Les milieux humides et les arbres retrouvés dans les milieux agricoles sont de précieux puits de carbone qui offrent par ailleurs de nombreux services écologiques. La destruction des milieux humides et arborés et leur conversion en terres agricoles se poursuit, ce qui engendre chaque année des émissions de GES estimées à plus de 1,2 Mt éq. CO2. Dans son Rapport d’inventaire national, le Canada ne tient toutefois pas compte de ces émissions.

Les PGB décrites dans cette section permettent de réduire les émissions de GES et d’accroître l’accumulation de carbone. Éviter de convertir les milieux humides et les plantations-abris permet d’éviter d’importantes émissions de GES, alors que la restauration des milieux humides et la plantation d’arbres sur les terres agricoles permettent l’accumulation d’importantes quantités de carbone.

 

Lisez les données et les analyses dans les trois rapports techniques (en anglais seulement)


Pourquoi le prochain Cadre stratégique pour l’agriculture doit inclure des actions climatiques ?

Les politiques agricoles du Canada sont exécutées en grande partie selon les Cadres stratégiques pour l’agriculture (CSA) quinquennaux. Le CSA actuel (2018 à 2023) s’appelle le Partenariat canadien pour l’agriculture. Le prochain CSA débutera en 2023, et est co-élaboré et co-négocié par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada.

Un CSA centré sur le climat est crucial pour fournir aux fermier.ère.s le soutien qu’il nous faut pour relever le défi des changements climatiques, car :

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Ne rien faire pour lutter contre les changements climatiques coûtera bien plus cher au secteur et à la population canadienne que de l’attaquer de façon proactive ▼

Les dégâts attribuables aux impacts climatiques sévères dans l’agriculture canadienne s’élèvent à 2 $ milliards annuellement. Nous devrions réduire ces pertes de revenus et réinvestir les montants dans les fermier.ière.s en adoptant des programmes qui appuient les initiatives d’adaptation et d’atténuation des impacts climatiques.

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Les fermier.ière.s Canadiens risquent de perdre leur part de marché s’ils.elles ne reçoivent pas le soutien qu’il leur faut pour adopter les pratiques faibles en GES. ▼

Dans les dix prochaines années, la majorité des entreprises alimentaires qui achètent les produits canadiens se sont engagées à réduire les émissions émises dans leurs chaînes d’approvisionnement. D’autres pays sont prêts à investir plus par acre dans leurs programmes agroenvironnementaux et s’il n’y a pas de nouveaux investissements dans le prochain CSA, on risque de perdre notre avantage compétitif dans l’économie verte du 21è siècle.

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L’agriculture représente le seul secteur au Canada où on ne prévoit pas une réduction importante des émissions de GES d’ici 2030 ▼

La population canadienne est de plus en plus préoccupée par la durabilité des aliments, mais la situation actuelle n’est pas très prometteuse car nous ne prévoyons pas une réduction graduelle des émissions produites par l’agriculture canadienne. Nous devons modifier le prochain CSA pour nous positionner à réussir et pour faire partie de la lutte contre les changements climatiques au Canada.


Membres du groupe de travail

Pour compléter les résultats du projet de recherche sur la gestion des risques d’entreprise, FTC a rassemblé des agricultrices et agriculteurs, des chercheuses et chercheurs, des économistes et des expert ·e·s en politiques afin de former un groupe de travail ayant pour mandat d’examiner de quelle manière le CSA pourrait permettre d’accélérer la lutte contre les changements climatiques dans le secteur agricole canadien. Le groupe de travail est présidé par deux agriculteur.trice.s et rassemble un groupe d'expert.e.s interdisciplinaires.

Leadership, coprésident.e.s agriculteur.trice.s

Amanda Elzinga

Productrice de bétail en Alberta

Cameron Goff

Producteur de céréales et d'oléagineux en Saskatchewan

 

Groupe de travail sur les émissions

Bétail

Claudia Wagner-Riddle

Université de Guelph

Susantha Jayasundara

Université de Guelph

Kim Ominski

Université du Manitoba

Karin Wittenberg

Université du Manitoba

Azote

Sols et arbres

David Burton

Université Dalhousie ▼

Les recherches de M. Burton examinent le rôle de l’environnement du sol dans l’influence de la nature et de l’étendue du métabolisme microbien dans le sol. Il a mis l’accent sur les processus du cycle de l’azote dans les sols et leurs répercussions sur la fertilité des sols et l’environnement. Ses programmes de recherche actuels comprennent un examen de la production et de la consommation de gaz à effet de serre dans les paysages naturels et agricoles, l’élaboration d’outils pour mesurer l’apport d’azote dans le sol aux végétaux, l’influence du climat sur les processus biologiques du sol, et l’évaluation de la qualité de l’environnement biologique du sol et de son influence sur la santé du sol. Au cours de la dernière décennie, son travail s’est concentré sur la production de pommes de terre dans le Canada atlantique. L’objectif de ce travail est de mieux comprendre les facteurs qui contrôlent les processus microbiens du sol et d’utiliser cette information pour élaborer des systèmes de gestion durable des terres dans un climat changeant. Il a obtenu un poste de professeur de recherche à l’Université Dalhousie en reconnaissance de ses réalisations en recherche. M. Burton donne des cours d’introduction à la science des sols, à la fertilité des sols et à la gestion des éléments nutritifs, à la microbiologie des sols et à l’air, au climat et aux changements climatiques. Il travaille à l’élaboration d’approches d’apprentissage mixte et d’apprentissage en ligne. Pour ce qui est des services, M. Burton est un ancien président de la Société canadienne de la science du sol, il est rédacteur en chef adjoint du Canadian Journal of Soil Science et il fait partie du comité consultatif sur les 4B de Fertilisants Canada. Il a présidé un certain nombre de comités consultatifs nationaux sur la gestion des éléments nutritifs et les réponses agricoles aux changements climatiques. Il est actuellement membre du comité consultatif d’Équiterre sur l’amélioration de la résilience climatique et l’atténuation des changements climatiques en agriculture.

Brian McConkey

Viresco Solutions

Marécages

Pascal Badiou

Canards Illimités Canada

 
 

Groupe de travail économique

Aaron Delaporte

Université de Guelph ▼

Le programme de recherche d’Aaron examine les compromis environnementaux et économiques de l’adoption de PGB agricoles innovantes en utilisant la modélisation bioéconomique et de transport spatial. Il a examiné la gestion des terres humides au Canada et la bioénergie fondée sur la biomasse en Ontario et au Dakota du Nord. Ses recherches actuelles portent sur la gestion de l’azote selon le principe des 4B, l’agriculture de précision, les cultures de couverture et les technologies génomiques.

Daniel Schuurman

Université de Guelph

Alfons Weersink

Université de Guelph ▼

Alfons Weersink a grandi dans une ferme à St. Marys, en Ontario, où il a développé un intérêt pour l’économie et la structure de l’agriculture. Sa carrière universitaire a commencé à l’Université de Guelph, où il a obtenu un baccalauréat ès sciences en agriculture. Entre sa maîtrise et son doctorat, il a travaillé dans l’industrie du crédit agricole et est retourné à l’Université de Guelph comme membre du corps professoral après avoir terminé son doctorat à l’Université Cornell. En plus d’être membre du corps professoral, Alfons est également entraîneur adjoint des Gryphons, une équipe féminine de soccer.

 
 

Groupe de travail sur les programmes & l’équité

Angel Beyde

Ecological Farmers Association of Ontario

Kat Lorimer

L'Institut pour l'intelliProspérité

Ryan Tougas-Cooke

L'Institut pour l'intelliProspérité

Derek Eaton

L'Institut pour l'intelliProspérité

 

Groupe de travail sur les politiques de FTC

Alice Feuillet

Équiterre

Darrin Qualman

Union Nationale des Fermiers

Brent Preston

Fermiers pour la transition climatique

 
 

Image de couverture : Semis d’un couvert hivernal composé d’avoine, de seigle et de radis à la ferme familiale Axten, Minton, Saskatchewan.